Création de RESF

RESF : Réseau Éducation Sans Frontières

À force d’être témoin : « dans les classes, du jour au lendemain, une chaise vide laissée par des gamins expulsés en pleine scolarité »

Le 26 juin 2004 s’est tenue, à la Bourse du travail de Paris, une réunion rassemblant des enseignants et du personnel de l’Éducation nationale, des parents d’élèves, des éducateurs, des collectifs, des syndicats et des associations ayant une préoccupation commune : la situation des élèves majeurs étrangers en situation irrégulière et des familles en situation irrégulière ayant des enfants mineurs scolarisés (de la maternelle à l’université). Ils ont décidé ce jour-là de créer un réseau de soutien à ces enfants et à ces jeunes majeurs, le Réseau Éducation sans frontières (RESF).

Le réseau s’appuie sur la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme signée en 1948 ainsi que sur la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) et notamment l’article 8 qui préserve le droit à une « vie familiale normale », or l’expulsion par un État, d’étrangers en situation irrégulière lorsque leurs enfants sont scolarisés est incompatible avec la CEDH.

Extraits de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme

Article 2 : Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
Article 3 : Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.
Article 13 : 1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État.

Extraits de l’appel fondateur de RESF juin 2004 :

[ …] Il est inconcevable d’imaginer nos élèves, les copains de nos enfants, menottés, entravés, bâillonnés et scotchés à leurs sièges d’avion pendant que leurs camarades étudieraient paisiblement Eluard (« J’écris ton nom, Liberté ») […]
Il est du devoir des enseignants, des personnels des établissements scolaires, des élèves eux-mêmes et de leurs parents mais aussi des associations (parents d’élèves, défense des droits de l’homme, anti-racistes) et des organisations syndicales et autres d’agir pour tirer ces jeunes de la situation qui pourrit leur vie.
Agir pour les élèves concernés, déjà souvent malmenés par des existences chaotiques […]
Mais agir aussi pour faire la démonstration aux yeux de nos élèves et de nos enfants que les discours sur les « valeurs » ne sont pas des mots creux. […]
Agir enfin, avec les jeunes eux-mêmes qui, s’ils sont associés à des combats justes, renoueront avec des traditions de solidarité, de combat collectif qui leur permettront peut-être, leur vie durant, de faire en sorte que le monde dans lequel ils sont appelés à vivre soit ouvert à tous.

CRÉATION DE RESF RHÔNE

Dans le département du Rhône, les premières réunions du réseau ont lieu début 2005.
Des comités de soutien, souvent dans les écoles, se sont regroupés en collectifs locaux (Bron, Lyon1, Lyon7/8, Lyon9, St-Genis-Laval, Val de Saône, Vénissieux, Villefranche, Villeurbanne…) ; le collectif jeunes s’est également créé avec des jeunes mineurs et jeunes majeurs (souvent isolés) scolarisés sans papiers.

Les actions sont multiples :

  • organisation de manifestations dans la rue, devant la préfecture, devant le centre de rétention, organisation de soirées d’information, contacts avec les médias, pour alerter et dénoncer les politiques menées (droits bafoués, quotas, tests osseux, directives non respectées etc.) suivant les préfets et gouvernements en place.
  • accompagnement pour les démarches administratives, recherche d’avocats, pétitions, présence dans les tribunaux, parrainages civils, interpellation des élus, visites en centre de rétention, présence à l’aéroport en cas d’expulsion…
  • mise en lien pour l’apprentissage du français, la recherche d’hébergement, de nourriture

La mobilisation a souvent permis d’éviter des expulsions et sur la durée d’arracher des régularisations. Mais, sur le fond, rien n’a vraiment changé. Aujourd’hui :

  • des familles sont encore à la rue sans hébergement, dans la crainte de la police et d’une expulsion, des demandes d’asile se voient rejetées en quelques minutes sans examen sérieux ;
  • des enfants continuent d’aller à l’école la peur au ventre ;
  • des familles sont explosées par l’expulsion de l’un d’eux.

Notre soutien doit faire reculer ces répressions dont nous ne cessons de constater les dégâts, non seulement sur les personnes directement concernées, mais aussi sur la société que, par ces politiques, nous sommes en train de construire : la suspicion, la méfiance, le rejet de la différence semblent prendre le pas sur toute autre considération constructive.

Les discours scandaleux prônant « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde » agitent des chiffres qui non remis dans leur contexte et la globalité faussent leur interprétation. Ainsi chaque étranger est d’abord perçu comme un profiteur et un menteur. On en arrive à désigner l’immigration comme un problème sans aborder les causes, l’histoire et de prime abord le respect des droits.

La politique de repli, de fermeture ne règle rien à la crise et au contraire encourage et développe un climat de rejet de l’autre, destructeur pour tous. Ces positions et discours sont le terreau de la violence déjà présente mais encore plus à venir.

RESF se bat au quotidien contre ces politiques.

www.educationsansfrontieres.org